18/07/2019
" Affaire russe, Conte défie Salvini."
Italie. Revue de presse.
La tension de plus en plus vive entre G. Conte et M. Salvini sur l’affaire des financements russes fait les gros titres des médias transalpins : « Salvini-Di Maio, défi total sur l’affaire russe » (Corriere della Sera), « La défense de Salvini : des fantaisies’’ » (La Repubblica), « Salvini : ‘’les 5 Etoiles sans dignité, ils vont se faire mal » (La Stampa), « Affaire russe, Conte défie Salvini » (Il Messaggero, Il Mattino).
LETTRE de Giuseppe Conte, Président du Conseil au directeur de La Repubblica : « ‘’ De possibles dommages à l’Italie après la trahison de la Ligue à l’UE ’’ » : « ‘‘ Cher directeur, ces jours-ci votre journal est en train de s’interroger sur les conditions de santé de la majorité de gouvernement et il est aussi en train d’avancer l’hypothèse d’un changement dans ma manière de jouer le rôle du président du Conseil. Je tiens à souligner les valeurs qui m’inspirent : le respect des institutions, qu’il faut toujours défendre, et la pleine transparence face aux citoyens ainsi que la loyauté absolue envers les intérêts nationaux. Mes initiatives sont toujours inspirées par ces finalités et c’est une erreur de croire qu’elles puissent être dictées par l’orgueil personnel ou par mon rôle, ou bien par ma volonté d’alimenter des polémiques et des conflits politiques. La perspective européenne montre que ce début de législature est plein de défis et d’opportunités que notre pays pourra saisir uniquement s’il est capable de comprendre « l’esprit du temps ». Les meilleurs amis de l’Europe sont les européens critiques et non ceux qui s’appuient sur des pétitions de principe. J’ai partagé la nomination d’Ursula Von der Leyen à la présidence de la Commission européenne, pour son histoire personnelle et politique et parce que cette solution permet à l’Italie d’avoir le poste de commissaire à la concurrence, que j’avais demandé. Dans les jours précédents, j’avais invité les parlementaires européens des forces politiques qui soutiennent la majorité gouvernementale à voter pour cette candidature, précisément en raison des équilibres préalables et des garanties. Comme vous le savez, les parlementaires européens de la Ligue, contrairement à ceux du M5S, ont voté contre. Je ne peux pas savoir si cette position de la Ligue aura des répercussions sur les négociations pour définir la composition de l’équipe des nouveaux Commissaires. Naturellement, il ne s’agit pas de revendiquer un siège à l’avantage d’une seule force politique mais plutôt de défendre les intérêts nationaux ainsi que de revendiquer pour l’Italie la place de prestige qu’elle mérite. Pour ce qui concerne l’affaire des financements russes à la Ligue, j’ai immédiatement déclaré que j’étais disposé à m’exprimer devant le Sénat et je peux garantir que je le ferai en toute transparence et que je signalerai toutes les circonstances et les informations à ma connaissance et à la connaissance de tous les membres de mon gouvernement. J’ai occupé un poste à haute responsabilité, sur la base d’une majorité spécifique et d’un projet de gouvernement bien défini. Si cette expérience au gouvernement devait s’arrêter prématurément, je ne me prêterai jamais à des opérations opaques et ambiguës ».
ENTRETIEN de Matteo Salvini, leader de la Ligue Corriere della Sera, « Que le M5S décide, s’ils disent encore trois ‘’non’’, tout change » : « Q. Conte sera auditionné au Sénat. Et vous ? Vous relevez le défi ? R. Je me demande ce qu’il peut bien dire, Conte, sur la Russie. D’ailleurs, il rappelle tous les jours qu’il est le Président du Conseil. Personne n’a remis cela en doute. Je ne me lève pas le matin en me disant ‘’Matteo, tu es ministre de l’Intérieur, que diable !’’. Ceci dit, j’irai au Parlement pour répéter ce que j’ai toujours dit. Q. Répondre à un ‘’question time’’ n’est pas la même chose qu’être auditionné devant les Chambres. R. Et alors, nous ferons une conférence internationale. S’il y a une enquête, ils peuvent chercher n’importe où, ils ne trouveront même pas un euro, un dollar, rien. Q. Même pas un rouble ? R. Ils trouveront sans doute la conviction que les relations avec la Russie sont fondamentales, que Poutine est un grand homme d’Etat et que les sanctions sont une grosse erreur. Q. Pensez-vous être assiégé car vous voulez révolutionner l’Europe ? R. Rien n’arrive par hasard Q. Vous soupçonner les services secrets ? R. Disons qu’il y a un système bien organisé. Moi j’ai mes idées mais je suis tranquille quant à la corruption et aux autres fantaisies de cette sorte. Savez-vous de quoi je suis coupable ? C’est d’avoir de bonnes relations avec la Russie. Q. Comment pensez-vous d’aller de l’avant ? R. Vous devriez poser la question à Conte et à Di Maio. Les attaques du PD sont bien là, mais tous les jours deux ou trois représentants des 5 Etoiles m’attaquent. Q. Pourquoi fuyez-vous le Parlement, si vous n’avez rien à craindre ? R. J’irai, ne me demandez pas quand, mais j’irai. Q. La première victime de l’affaire russe serait-ce le commissaire à la Concurrence ? R. Le Commissaire italien est à nous car la Ligue a pris le double des voix des autres. Mais si cela ne compte pas, nous le choisirons sur le plateau Rousseau. La crise ? La fenêtre des possibilités n’est pas si étroite que ça. Et puis, il y a l’autonomie régionale, la réforme de la justice et le budget. Avec ces trois pas, j’irai de l’avant. Si on rencontre des non, alors tout change. Les 5 Etoiles, avec leur vote avec Merkel et Macron ? J’espère que cela ne se traduira pas en un budget à la Monti. Je ne crois pas que von der Leyen soit là pour faire croitre l’économie italienne »
ENTRETIEN de Luigi Di Maio, leader du Mouvement 5 Etoiles Corriere della Sera « Que la Ligue soit responsable. Ils ont gagné les élections, qu’ils montrent quelque chose » : « Pour nous, le gouvernement va de l’avant s’il fait des choses pour les Italiens et s’il leur dit la vérité. Je ne vois pas de querelles mais des attaques contre le M5S : une fois sur le salaire minimum, un fois sur l’Europe, c’est sans cesse et je déplore cela. Si on fait les choses pour l’Italie, alors ce gouvernement durera 4 ans. Sur la nomination de Von der Leyen, vous devriez demander à la Ligue pourquoi elle a changé d’avis à la dernière minute. Pourquoi nous ont-ils attaqués, au lieu d’attaquer Orban, qui est leur allié, et qui a voté pour la candidate allemande. La nomination du Commissaire relève de la Ligue, nous l’avons toujours répété. S’ils sont en mesure d’en faire élire un, maintenant qu’ils sont isolés en Europe, ils sont les bienvenus. Sinon nous leur donnerons un coup de main. L’audition de Salvini devant le Parlement est une requête normale, cela aurait été valable pour n’importe quel représentant du M5S. Un gouvernement avec le PD ? Cela n’aura pas lieu car il n’y a pas de crise. C’est le seul gouvernement possible, je vous le répète. L’autonomie régionale ? Elle figure bien dans le contrat et il faut la faire de manière équilibrée’’ »
COMMENTAIRE Sole 24 Ore L. Palmerini « Salvini cherche l’issue pour sortir du siège » : « Des sources de la Ligue racontent que le ministre de l’Intérieur commence à considérer l’idée de chercher un contact avec le Chef de l’Etat pour un échange de vues, chose qui est habituelle dans des situations tendues ou celles qui précèdent les grandes décisions. Par ailleurs, hier nous avons assisté à une épreuve de force de G. Conte, décidé à aller parler au Parlement de l’affaire russe : c’est une façon de mettre en relief la fragilité du leader de la Ligue qui ne sait pas comment réagir face à une situation qui a renversé les rapports de forces. Du point de vue politique, l’expérience de gouvernement est à sa fin. Le calcul de Conte et des 5 Etoiles veut que Salvini ne soit plus en mesure de menacer la crise en raison de l’incertitude sur l’issue de l’enquête sur les financements russes présumés. Cela représente en même temps l’épicentre d’une crise qui est à ce stade virtuelle ».
ANALYSE Sole 24 Ore R. D’Alimonte « Crise, coûts et bénéfices pour les partis de majorité » : « Les crises de gouvernement sont un pari risqué : on sait comment elles commencent mais on ne sait jamais comment elles se terminent. Dans ce cas précis, il n’est pas dit que la chute du gouvernement Conte nous amène à des élections anticipées. Tout dépendra des décisions du Président de la République. A ce stade, le gouvernement Conte est encore le point d’équilibre pour les deux partis de majorité ».
EDITORIAL, P. Balduzzi, Messaggero, « La fuite des jeunes qui fait s’enfoncer le pays » : « Un autre drame que celui qui obsède nos politiciens (combien d’étrangers pourront entrer ou pas dans notre pays) se joue. Il est économique, il a trait à ces citoyens italiens qui quittent le pays. Parlant à la Luiss, G. Tria a quantifié à hauteur d’environ 14 milliards le coût annuel pour l’Italie à cause de la ‘’fuite des cerveaux’’, un chiffre très élevé, presqu’équivalent à 1% du PIB, et même si difficile à calculer, il est confirmé par des études de Confindustria. Dans le Rapport jeune 2016 (Università Cattolica), 90% des jeunes Italiens considèrent l’émigration comme une ‘’nécessité pour se réaliser pleinement’’, à divers des autres jeunes européens pour qui il s’agit d’une opportunité comme d’une autre. Au lieu de se fermer au monde, il faut que notre pays devienne plus attractif également pour les jeunes étrangers. ».
ARTICLE La Repubblica, R. Petrini « Fmi : Italie encore vulnérable. Crise et alarme Sud » : « Malgré Draghi et la BCE, les risques de chocs financiers restent élevés. Dans le Mezzogiorno, on risque la paralyse. Pour le FMI, le risque-pays n’est pas mis de côté. En effet, l’Italie reste exposée à la ‘’volatilité des marchés‘’ en dépit d’une politique monétaire soft de la BCE et qui n’a pas exclu la réouverture du quantitative easing. ‘’ Le Sud est une économie en recul sans aucune perspective de croissance‘’, a souligné le président de Confcommercio, Carlo Sangalli. Ainsi, le taux de chômage chez les jeunes atteint 51,9%, une personne sur deux donc ne trouve pas d’emploi. Sur le PIB : en 2018 le taux du PIB a augmenté de 0,4%, niveau correspondant à moins de la moitié de tout le Pays ».
COMMENTAIRE La Repubblica, T. Boeri « Si le Nord se sent trahi » : « Nous ne savons pas quelles sont les raisons de cette trahison des électeurs du Nord. Peut-être aussi que la Ligue a choisi de viser l’électorat du Sud car plus mobile que celui du Nord et donc capable de changer les majorités dans le Pays. L’agenda de gouvernement a complètement ignoré jusqu’à ce moment les demandes du bloc social du Nord. C’est un risque nouveau pour Salvini. »
(Traduction : ambassade de France)
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